Je suis une construction sociétale. Je ne suis que le miroir de vos discriminations, préjugés, idéologies, fantasmes, votre ignorance aussi et surtout, bien pire, votre aveuglement confortable. Pour vous, je suis Chômeuse Profiteuse, dès lors que je n’ai plus d’emploi pour vous ma devise c’est « Je glande, donc je suis« !
Chômeuse Profiteuse n’est pas vous (elle n’a ni votre diplôme, ni vos amis, ni votre réseau et encore moins vos goûts), elle n’est pas un cliché, mais une vraie personne. Elle n’est pas à mettre dans le même sac que tous les chômeurs. Aucun chômeur n’est à mettre dans le même sac que les autres. Tous n’ont pas le même vécu, le même passé professionnel, la même santé, la même culture, les mêmes envies.
Bref Chômeuse Profiteuse est une vraie personne qui n’a pas désirée être au chômage et a voulu s’en sortir. Elle a broyé du noir pendant des années, exlue d’une vie « normale » : un job qu’on aime, un salaire qui paie plus que les factures et permet des loisirs et une vie sociale (ça c’était avant le chômage, le chômage lui paie moins que les factures), sans collègues, sans plus aucun réseau, avec pour seuls soutiens ses parents qui l’aident financièrement à surnager.
Atomisée, seule et sans espoir, elle est donc devenue une bonne esclave comme le système le préconise après des années sans opportunités d’en sortir, déclassée par la misère, méprisée par vous tous, ayant perdu son réseau professionnel (en pénurie d’emploi on trouve surtout par bouche-à-oreille), elle a retrouvé un job en intérim parce que la pandémie est arrivée. Un emploi mal payé, moins payé qu’avant, et franchement dévalué, puisqu’il s’agit d’un emploi dans un call-center, un type d’emploi dont on n’entend jamais dire que du mal tant au niveau des salaires que des conditions de travail et des fraudes sociales des agences de travail intérimaire.
Chômeuse Profiteuse a été quelqu’un de relativement bien mis dans la société, avant, quand elle s’occupait de stratégie de communication dans les réseaux européens comme chargée de communication.
Elle a choisi un métier-passion avant cela, au début de sa carrière, jeune et naïve, elle s’est entêtée à devenir journaliste. Elle avait une fibre sociale surdimensionnée, probablement parce que ses parents étaient plutôt à gauche et syndicalistes.
Mais en 1991, son diplôme en poche, le chômage ravageait son secteur de prédilection. Les piges, très mal payées, étaient dénoncées par l’organisation professionnelle des journalistes encartés. Alors pour débuter sa « carrière » de journaliste dans l’associatif, Chômeuse Profiteuse a été déclarée en Agence locale pour l’emploi comme aide administrative (un plan au rabais qui permettait de travailler en étant au chômage tout à fait légalement sans toucher de salaire mais une dringuelle).
Sa spécialité journalistique : le chômage ! Ca ne s’invente pas ou bien c’est son karma ou le fait que Barella veut dire brancard en italien.
Bref, elle s’est fait un nom dans l’associatif militant qui ne paie pas les factures. Et a fini par abandonner le journalisme faute de pouvoir en vivre correctement.
Après sa période de chômage de longue durée, elle a retrouvé du travail en intérim car elle a saisi une opportunité d’emploi en pleine crise du Covid-19.
Chômeuse Profiteuse trime alors en intérim à 2300 euros brut, simple et double pécules compris. Elle gagnait en 2007, 3000 euros bruts soit 2000 euros nets. En 2020, au forfait de la dégressivité, comme isolée, elle touchait 1057, 25 euros (son loyer, ses charges et l’alimentation eux n’ont cessé d’augmenter). Elle ne retrouvera jamais le pouvoir d’achat qu’elle avait en 2007 vu l’inflation, un salaire de 3000 brut aujourd’hui est le minimum pour survivre mais plus un salaire confortable comme en 2007.
Chômeuse Profiteuse est devenue une travailleuse sous-employée; son diplôme, franchement ne lui sert à rien, en intérim, la fonction qu’elle occupe nécessite selon les employeurs seulement le diplôme de fin de secondaire. Ses compétences qu’elle a tenté vaille que vaille, sans un sou vaillant, d’entretenir pendant son chômage en dégressivité, ne sont plus utilisées donc ne lui servent plus à rien. Le seul savoir-être qui est majoritairement demandé par les recruteurs est la servilité.
L’utilité du chômage de longue durée est d’abaisser les prétentions salariales du chômeur. Au bout de 6 mois de chômage, on a perdu 30% de sa valeur salariale de travailleur, même expérimenté, surtout expérimenté, et on est déjà prêt à tout, alors imaginez à quoi on est prêt au bout de plusieurs années sans travail salarié ou des contrats occasionnels en freelance.
On se dit toujours, « on prend ça le temps de trouver mieux ». Et puis on se rend compte que le « mieux » n’existe plus, que c’est la dégringolade des salaires, que les jobs ont changé, qu’il n’y en a toujours pas pour tout le monde alors que les médias relayent une information largement mensongère sur les pénuries d’emploi.
La dégressivité du chômage, l’a dégradée en valeur marchande pour le patron. Quand on tente de « débaucher » Chômeuse Profiteuse c’est pour lui offrir moins que ce qu’elle a déjà. Elle a été approchée par un recruteur du secteur de l’énergie avec une offre d’emploi pour gagner 2000 euros brut (11 € brut/heure) et si les chiffres sont atteints, donc elle a une partie variable à son salaire de misère, elle pourrait gagner les 300 euros brut en plus qu’elle gagne déjà aujourd’hui (14 € brut/heure). Ce recruteur projette de recruter massivement encore début 2023.
Chômeuse Profiteuse : « Pour moi, mener une vie digne ce n’est pas faire un boulot de merde – un emploi sans intérêt qu’on n’a pas choisi et qu’on n’aime pas – pour un salaire de merde dans des conditions de merde. Je veux m’épanouir, créer, me cultiver, réfléchir, analyser, faire le bien pour autrui. Et se lever le matin pour gagner à peine de quoi payer les factures pour un patron fraudeur n’a rien de motivant. Le monde du travail a changé. La servilité du travailleur et le népotisme pour se caser dans l’emploi sont devenus la règle. Ce n’est pas tant qui tu es (une personnalité de carpe sirupeuse convient très bien) que qui tu connais qui te fera sortir du trou. »
En 2023, à 56 ans, Chômeuse Profiteuse est devenue fonctionnaire en passant les examens du Selor et un entretien d’embauche. Il y avait deux postes à pourvoir et elle a été classée deuxième.
Corine Barella est Chômeuse Profiteuse.
Lire mon recours – gagnant ! – contre la dégressivité accrue du chômage instaurée par le gouvernement Di Rupo, l’opulence de ma vie d’alors va vous décoiffer.




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