ONEM : « Cette démarche qui peut en effet s’avérer très utile pour votre avenir professionnel ne cadre toutefois pas dans la démarche altruiste et désintéressée du volontaire au sens de la loi ».

Comment peut-on juger que je manque d’altruisme quand je mets gratuitement mes compétences à disposition alors que je suis pauvre comme job au forfait en dégressivité? N’est-ce pas faire assez montre d’abnégation que de ne pas poursuivre le but de lucre et se brader ainsi quand on est dans la misère? N’est-il pas dans l’intérêt de la société que le bénévolat puisse servir aussi de pied à l’étrier et ne profite pas juste à l’asbl ? La collectivité et les services publics ne devraient-ils pas tout faire pour faciliter la participation à la vie en société du chômeur de longue durée au lieu de le maintenir dans l’exclusion en lui fermant toutes portes de sortie?
Le plus gros problème du chômeur de longue durée, c’est l’exclusion sociale, l’isolement où il est confiné par l’absence d’activité professionnelle, un réseau de contacts perdu faute de moyens financiers pour entretenir des loisirs et le train de vie d’avant, quand on touchait un salaire et pas de minables allocations sous le seuil de pauvreté. En dégressivité, on perd de l’argent quand tout augmente, en particulier les transports, comme le train, sont impayables (même avec l’intervention majorée de la mutuelle ou statut BIM).
Je ciblais les réseaux européens où j’ai déjà travaillé, vu mon bilinguisme en anglais et le fait que les emplois sont précaires et se renouvellent souvent, donc les emplois « tournent ».
Si personne ne veut plus me payer pour travailler, il faut donc trouver une organisation qui accepte de m’intégrer gratuitement à son équipe pour renouer des contacts professionnels qui mènent plus sûrement à retrouver un job que de répondre aux offres en n’ayant pas retravaillé récemment. De préférence, il faut choisir une ONG qui a un réseau important et le mobilise constamment. Venant de Liège, l’avantage du bénévolat à Bruxelles, par exemple, c’est que l’ONG paie le train pour y aller .
Au moins, si je ne gagne pas d’argent, j’aurais la preuve que je me bouge et que je ne suis pas une glandeuse qui profite (puisque les gens sont des biesses qui croient des fake news surtout chez les recruteurs). Et j’ajouterais une référence récente qui pourra dire du bien de moi à cette racaille qui discrimine comme elle respire.
Je puisais dans mon carnet d’adresses, enfin ce qu’il en restait. Honnêtement, je ne voyais plus personne, donc il me fallait juste avoir le culot de demander à quelqu’un que je n’ai plus croisé depuis des lustres. Quelqu’un qui, de préférence, contrairement à la majorité des recruteurs, a une image positive de moi, comme professionnelle de la profession, est déjà convaincu de l’existence de mes compétences, et aura envie de les exploiter gratuitement.
J’ai postulé auprès d’un ancien collègue désormais à la tête d’un lobby syndical européen. Début 2019, quelques semaines après ma demande de bénévolat, il me recontacte, un stagiaire a fait faux bond, la place est libre immédiatement. Malheureusement, c’est sans compter la bureaucratie onemienne qui demande de rentrer le formulaire un mois avant le début de l’activité. Je fais rapidement remplir le document ad hoc, le formulaire C45B, et je le rentre au syndicat qui le transmet à l’ONEM pour statuer, comme le veut la procédure.
Le hic, c’est que l’ONEM est totalement libre d’accepter et de refuser sans même donner de raison. Il n’y a aucune explication des conditions à remplir pour être approuvé, sinon rentrer dans les conditions du bénévole, respecter la législation belge sur le volontariat, surtout concernant les remboursements de frais, il n’est pas question que le chômeur « profite ». L’ONEM détient ici un pouvoir absolutiste. J’ai ouie-dire que le bénévolat est rarement accordé, sauf aux ONG qui sont reconnues par l’ONEM.
Je décide quand même de défendre mon cas, de faire du lobbying à l’ONEM pour que ma décision soit prise plus rapidement. Quand c’est le fait du prince, mieux vaut tout tenter. D’abord, je téléphone. A ma grande surprise, il y a désormais un call center général. Fini la possibilité de pouvoir appeler la rue Natalis à Liège où se trouve le bureau régional de l’ONEM. Le call center répond que ma demande est bien en cours, mais ne peut pas me donner plus d’infos et ne peut surtout pas me transférer rue Natalis, vers le gestionnaire du dossier.
Je décide alors de me présenter directement sur place pour plaider ma cause. A l’accueil ,au rez-de-chaussée de l’ONEM rue Natalis, la téléphoniste qui fait aussi office de réceptionniste, appelle quelqu’un dans les bureaux situés dans les étages supérieurs. Elle palabre une minute puis me met son casque avec micro sur les oreilles pour que je parle directement avec la personne en question.
Elle pouvait descendre de quelques étages et me recevoir dans un de leur box, mais choisit de me parler au téléphone. Elle prend ma demande, et je sens l’avis négatif pointer mais je réfute tous ses arguments.
– « Non, ce n’est pas un méga réseau plein de fric, c’est une toute petite structure de 5 personnes, même pas toutes à temps plein. »
– D’emblée : « Ils n’ont qu’à vous engager. »
– « C’est moi qui les sollicite pour du bénévolat, ils ne sont pas demandeurs, ils prennent d’habitude des stagiaires d’université. Il me font une faveur. »
Bref, au bout de 10 minutes de désaccords téléphonés, elle m’informe qu’elle va demander à l’équipe et qu’elle prendra une décision rapidement.
Après plusieurs relances par courriel, et un recommandé envoyé à l’administrateur général de l’ONEM à Bruxelles, je finis par obtenir la réponse négative par email, et le courrier papier officiel qui lui ne mentionne que le refus, sans raison, ce n’est pas prévu par le formulaire. J’ai rentré ma demande au syndicat à la mi-janvier 2019, nous sommes en mars 2019. L’ONEM a pris son temps.
De: 310 Werkloosheidsreglementering / Réglementation Chômage reglement@rvaonem.fgov
mercredi, mars 6, 2019 3:03 PM
À : monemail@chomeuseprofiteuse.com
Le mercredi, mars 6, 2019 3:03 PM, 310 Werkloosheidsreglementering / Réglementation Chômage <reglement@rvaonem.fgov.be> a écrit :
Madame Profiteuse,
Nous avons bien reçu votre courrier du 20 février dernier.
La réglementation chômage prévoit en effet pour le chômeur indemnisé la possibilité de cumuler l’exercice d’une activité bénévole avec le bénéfice des allocations de chômage (article 45bis AR 25.11.1991).
Cette disposition vise les activités de volontariat telles que définies par la loi du 03 juillet 2005 sur le droit des volontaires. Selon cette loi, l’activité doit notamment être exercée au profit d’une ou plusieurs personnes autre que celle qui exerce l’activité, d’un groupe ou d’une organisation ou encore de la collectivité dans son ensemble.
Il doit s’agir d’activités qui vu leur nature, leur fréquence, les circonstances dans lesquelles elles s’exercent, ont les caractéristiques d‘une activité qui, dans la vie associative, sont habituellement exercées par des volontaires.
Vous mentionnez dans votre courrier que le travail bénévole auprès de la Fédération vous permettra de vous réintégrer dans un emploi, que la Fédération n’a besoin de vous comme bénévole et qu’elle vous fait une faveur et met son réseau à votre disposition pour rencontrer des contacts professionnels.
Cette démarche qui peut en effet s’avérer très utile pour votre avenir professionnel ne cadre toutefois pas dans la démarche altruiste et désintéressée du volontaire au sens de la loi.
C’est par conséquent conformément à la réglementation en vigueur que le bureau du chômage vous a refusé par décision du 4/03/2019 l’autorisation de cumuler cette activité avec le bénéfice des allocations de chômage en invoquant l’article 45bis, § 2, alinéa 1er , 2° de l’AR du 25.11.1991.
Votre démarche se situe dans une logique de formation et de réinsertion.
Depuis la sixième réforme de l’Etat, ce sont les organismes régionaux qui sont compétents pour se prononcer sur les études, formations et stages que les chômeurs peuvent exercer tout en maintenant leurs allocations.
Les organismes régionaux peuvent accorder une dispense de disponibilité pour effectuer une formation ou un stage. Ils peuvent aussi autoriser la formation ou le stage sans dispense. Lorsqu’ils accordent une dispense de disponibilité, les organismes régionaux communiquent alors cette décision à l’ONEM.
Je vous engage donc à vous adresser à l’organisme régional compétent à savoir le FOREM (dispenses@forem.be).
Je vous prie de recevoir l’assurance de ma considération distinguée.
Cordialement,
Direction Réglementation chômage
Boulevard de l’Empereur 7-9
1000 Bruxelles

Mon syndicat n’a pas jugé bon d’introduire un recours contre ce refus et m’a renvoyé au stage du Forem. J’ai déjà un recours pendant contre la dégressivité des allocations de chômage, découragée par l’attitude du service de défense syndicale, qui ne s’émeut plus de rien et compte ses sous, j’ai laissé tombé l’idée d’un recours.

Contacté par email, le service dispense du Forem, géré de manière irresponsable par des personnes anonymes qui ne signent pas les courriers, n’a pas trouvé de solution pour transformer mon bénévolat en stage et a soutenu la décision de l’ONEM alors qu’un article, l‘art 94 de la réglementation du chômage (1991) sur le stage en milieu professionnel stipule que la possibilité de stage en entreprise pour acquérir des compétences et se former existe, et n’est pas, contrairement aux stages en langue, limité au niveau de l’âge. C’est la fameuse convention de stage. Le Forem interprète la législation chômage qu’il doit appliquer. La législation, c’est l’ONEM qui l’écrit et le Ministre de l’Emploi la fait voter par la majorité à la Chambre des représentants.
On peut légitimement se demander quel intérêt général ces services publics défendent au fond, certainement pas l’intérêt des chômeurs, ni surtout leur réintégration professionnelle, quant ils sont plus la cible à abattre que les citoyens à remettre en selle.
Violation des droits économiques, sociaux et culturels
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est entré en vigueur en 1976, il promeut et protège notamment :
- le droit au travail, dans des conditions justes et favorables;
- le droit à une protection sociale, ainsi qu’à des conditions de vie permettant à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre;
- le droit de toute personne à l’éducation, de participer à la vie culturelle ou de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications.
Une version éduclorée des droits économiques et sociaux est intégrée à la Constitution belge, dans son article 23. C’est ainsi que le principe de standstill ou de non-régression des droits sert de fondement aux recours devant le tribunal du travail contre la dégressivité et la fin de droit en allocation d’insertion instaurés sous le gouvernement Di Rupo en 2012.
Une autre question est le non-respect du droit d’association, en effet, si je milite dans un parti politique, un syndicat, une organisation politique, je ne déclare pas de bénévolat. Ca fait partie des droits inhérents à tout citoyen. Mon association européenne est une organisation syndicale. Vu sous cet angle, je ne devrais pas déclarer mon activité comme du bénévolat, en voulant être plus catholique que le Pape, je suis victime de l’obsession de l’ONEM a limiter les droits humains et constitutionnels du chômeur. Je ne dois pas tout sacrifier à cette aumône qui paie à peine les factures qu’on me verse chaque mois. La pauvreté, c’est bien connu et c’est le but, est évidemment le plus sûr moyen de priver un être humain de tous ses autres droits humains, en particulier l’accès à la justice pour demander réparation pour toutes les violations qu’il subit.
A quelque chose malheur est bon, fort choquée de la décision de l’ONEM, l’équipe du réseau européen m’a donné du boulot (2 jours de contrat déclarés via SMART) et m’a manifesté beaucoup de soutien moral et aurait soutenu mon recours contre la décision publiquement aussi.
C’est un phénomène systémique pour les chômeurs, leur sens de l’initiative n’est jamais récompensé quand pléthores de politiciens très anti droits humains, ne cessent de réclamer qu’on oblige les chômeurs à prester des heures gratuitement pour la collectivité.
Je ne proposais pas autre chose. Les politiciens de tout bord considèrent les entrepreneurs comme des héros. Mais si un chômeur ose se montrer entreprenant, se démarque et prend des initiatives personnelles, hors des sentiers étriqués, balisés par les services publics, c’est important de le mater. L’initiative doit rester la prérogative de l’autorité publique de tutelle, il ne faudrait pas que le chômeur puisse jamais penser qu’il a encore le contrôle sur sa vie et ses objectifs professionnels.


Votre commentaire