Les Docs : Dégressivité

En Belgique, la réforme du chômage en 2012 du gouvernement Di Rupo (PS, sp.a, MR, OpenVld, CD&V, cdH) a accouché de deux mesures-phares: la dégressivité accrue de l’allocation de chômage sur base du travail et la fin de droit en allocation d’insertion, octroyée sur base des études, toutes deux extrêmement contestées pour leur diminution drastique du concept de « droit de vivre dans la dignité »  inscrit à l’article 23 de la Constitution belge.

Dommage que personne n’ait pensé à définir la dignité et le montant y afférant (indexé), car seul le standstill peut, ou devrait, servir de prévention des régressions sociales mais cela est évidemment une question d’interprétation des juges soit au Tribunal du travail, soit à la Cour du travail ou à la Cour de Cassation qui sont, évidemment, très peu sociaux voire soucieux d’éviter qu’une misère abjecte n’accable le privé d’emploi bénéficiaire de l’allocation de chômage (admis sur base du travail) qui s’appauvrit dramatiquement en dégressivité.

ART 23. Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment:

1° le droit au travail et au libre choix d’une activité professionnelle dans le cadre d’une politique générale de l’emploi, visant entre autres à assurer un niveau d’emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d’information, de consultation et de négociation collective;

2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l’aide sociale, médicale et juridique;

3° le droit à un logement décent;

4° le droit à la protection d’un environnement sain;

5° le droit à l’épanouissement culturel et social ;

6° le droit aux prestations familiales.

Schéma de la dégressivité accrue des allocations de chômage belge (admis sur base du travail) en 2012 sous le gouvernement Di Rupo (source ONEM).
  • Le gouvernement Di Rupo (PS-sp.a-MR-Open Vld-CD&V-cdH) sous la pression des demandes incessantes de limitation dans le temps des allocations de chômage, notamment de la N-VA, a préféré, à la demande de la droite (Open VLD – MR) et avec le soutien des chrétiens-démocrates (CD&V – cdH), qui n’ont jamais rien eu ni de chrétien ni d’humaniste, mettre en oeuvre des mesures antisociales d’un niveau jamais égalé en Belgique: une réforme du chômage qui créait le plus grand recul des droits sociaux depuis les débuts de la sécurité sociale belge (instaurée en décembre 1944). Comment mieux faire barrage aux extrémistes qu’en devenant extrémiste soi-même? Sauf que les électeurs préfèrent toujours l’original à la copie. Et en prenant des mesures aussi antisociales qui contreviennent à son programme, et ses prétendues valeurs, le PS a creusé sa tombe électorale. Certes, il est encore au pouvoir en 2019, mais il a perdu beaucoup de plumes et n’a plus les faveurs des vrais progressistes, surtout après les scandales de corruption à répétition.
  • La contestation juridique de la dégressivité sur base du standstill a été déclenchée par l’article d’un chercheur de l’ULB, Daniel Dumont, publié en novembre 2013 (Journal des Tribunaux, 39 – n° 6541 du 30 novembre 2013 – 132e année, éditions Larcier). L’autre volet de la réforme inique du chômage, la fin de droit en allocation d’insertion a aussi connu des recours aux Tribunaux du Travail fondés sur le même argument. Le problème c’est que les juges décident, au cas par cas, et qu’il aurait fallu que la législation soit une loi et pas un arrêté royal qui échappe au contrôle de la Cour Constitutionnelle.
  • Selon lui, l’obligation de standstill, ou obligation de non-rétrogression, s’est construite à partir du droit international des droits de l’Homme, mais c’est une obligation relative pas absolue.
  • ET « il s’impose de vérifier que le recul opéré obéit à un motif d’intérêt général, qu’il est approprié et même nécessaire au regard de ce motif, et qu’il n’emporte pas des conséquences disproportionnées pour la substance du droit atteint ».
  • Suite à cette analyse, et la menace de potentiel recours, le gouvernement s’est rendu compte de sa bévue : il avait laissé une insécurité juridique dans la loi et a donc tenté de réparer sa bourde, en cachette, dans un paquet législatif au titre vague qui était voté en même temps que le Parlement choisissait de ne plus s’occuper du chômage et de laisser l’exécutif jouer le rôle de législateur incontesté et surtout omnipotent.
  • L’article 23 de la Constitution implique, en matière de droit au travail et de droit à la sécurité sociale, une obligation de standstill qui s’oppose à ce que le législateur et l’autorité réglementaire compétents réduisent sensiblement le niveau de protection offert par la norme applicable sans qu’existent pour ce faire de motifs liés à l’intérêt général. (Cour de Cassation, 5 mars 2018, Arrêt N° S.16.0033.F)
  • L’existence d’un effet de standstill attaché à l’article 23 de la Constitution est reconnu de longue date tant par le Conseil d’Etat que la Cour de cassation et la Cour constitutionnelle, même si sa violation est rarement reconnue. Les conceptions du standstill des trois hautes juridictions convergent très largement. (Cour du travail de Liège, division Liège – 2016/AL/413)

NB : La dégressivité des allocations de chômage qui était en place avant la dégressivité accrue, est en fait la limitation de l’allocation à 60% de l’ancien salaire brut plafonné (et indexé). Dès qu’on gagne bien sa vie, la chute est vertigineuse, prenons un pilote de la Sabena, au moment de la faillite de la compagnie nationale d’aviation, s’il avait un prêt hypothécaire et un prêt voiture par exemple, il sera surendetté dès la premier mois d’un chômage très bas qui ne lui permet plus son train de vie du tout. Pour faire passer la pilule très amère de la dégressivité accrue, le gouvernement Di Rupo a donc eu l’idée d’augmenter le plafond de départ à (roulement de tambours) … 65% du salaire brut perçu, un montant en plus plafonné. Comme si la chute entre le dernier salaire perçu et le premier mois au chômage était ainsi amortie (un ange passe). En effet, la rémunération prise en compte par l’ONEM est la rémunération brute plafonnée à un montant de 87,99 euros par jour (6 jours payés par semaine en régime chômage ou 26 jours en moyenne par mois) ou 2.313,97 euros (en 2020) maximum par mois. Cela garantit donc à tous les Belges des allocations de chômage extrêmement basses qui ne couvrent pas les besoins élémentaires pour mener une vie décente.

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